Castrer son chien ou pas?
Vous trouvez ci-dessous un article écrit par Audrey VENTURA.
​
Prenez le temps de le lire et de vous faire votre propre idée sur le sujet.
​
🔎🔎🔎 LA STÉRILISATION DU CHIEN 🔎🔎🔎
​
Dans tous les domaines suscitant les passions, il est des débats houleux, des sujets délicats à aborder car ils provoquent des élans de protestation où personne n’écoute plus les arguments de personne. La stérilisation du chien en est un.
Quiconque suit la page Cynoconsult sur laquelle j’écris mes articles sait que je ne suis pas favorable à la stérilisation du chien. Je précise que tout en n’y étant pas favorable, il ne m’appartient pas de juger de la décision d’autrui de stériliser. Ce qui m’importe en réalité, c’est que les personnes puissent faire leur choix de manière éclairée. La désinformation sur le sujet est grande, à la hauteur de l’émotion qu’il suscite. Ayant été journaliste (presse écrite, radio et télévisuelle) pendant 15 ans, j’ai appris à vérifier mes sources. Je n’écris pas une ligne qui n’ait été vérifiée, je n’avance pas d’argument qui n’ait été corroboré par des preuves, des chiffres, des études, des recherches, des points de vue de vétérinaires comportementalistes, d’éthologues, de confrères d’expérience, etc.
Cet article est long. Son but n’est pas de vous convaincre de quoi que ce soit mais de vous donner des éléments d’information solides sur le sujet de la stérilisation du chien qui vous permettront d’en discuter de manière constructive. Il vous permettra aussi comprendre pourquoi certaines personnes sont fermement opposées à la stérilisation. En cela, et pour donner des clefs aux deux parties, le livre du Dr. Dehasse, « La stérilisation du chien, pour ou contre… » est recommandable en ce qu’il compile un nombre intéressant d’études scientifiques réalisées partout dans le monde sur des milliers de chiens. À mon sens, il n’est possible de débattre sérieusement d’un sujet qu’après s’être renseigné sur le fond de ce sujet. Sinon, comment faire avancer les choses ?
Dans le débat sur la stérilisation, quatre grands arguments sont avancés.
- L’argument comportemental
- L’argument médical
- L’argument sociétal
- L’argument éthique
Je précise que je parle ici de la stérilisation par ablation des gonades (ovaires et testicules) réalisée précocement et de manière quasi-systématique sur des chiens non matures. Une pratique devenue banale dans notre pays. Elle se veut préventive ou curative de certaines maladies ou comportements gênants.
​
🎯 L’ARGUMENT COMPORTEMENTAL
​
C’est un argument qui justifie aujourd’hui la gonadectomie quasi-systématique des mâles que l’on rendrait plus docile en les privant de leurs testicules. Seulement, l’éducabilité du chien castré n’a jamais été prouvée. Par contre, une étude scientifique existe. Elle a été réalisée par James A. Serpell, professeur à l’université de Pennsylvanie en 2015 sur 1563 chiens. Elle démontre (entre autres) que des mâles récalcitrants que l’on a castrés ne se révèlent pas plus facile à éduquer après l’opération. Et comme le précise le Dr. Valérie Dramart, dans un article pour la Dépêche vétérinaire de 2008, « la stérilisation du chien ne doit pas être perçue comme une panacée, le remède à tous les troubles du comportement ». Selon la vétérinaire comportementaliste, de nombreux troubles ne répondent pas ou peu à la stérilisation. Ainsi, elle dresse clairement une liste où elle informe que si la gonadectomie peut être indiquée pour les agressions territoriales, le marquage urinaire et l’hypersexualité, elle reste inefficace pour toutes les autres agressivités, pour l’hyperactivité, la destruction, l’anxiété, la prédation, les dermatites de léchage, l’hyperattachement, la malpropreté.
Mais là où il y a de quoi être effaré, c’est que les recherches des dix dernières années tendent à démontrer que les comportements problématiques que l’on voulait voir disparaître avec la gonadectomie, empirent avec elle. L’une des études les plus significatives est celle de Duffy et Serpell (2006). Les chercheurs mettent en évidence les avantages et les inconvénients de la gonadectomie. Une étude réalisée sur plus de 3000 chiens. Si la gonadectomie peut réduire les comportements de chevauchement et l’hypersexualité, elle peut aussi engendrer une aggravation de tous les comportements ou rendre le mâle castré attractif sexuellement pour les mâles entiers. Il est quasiment impossible de prévoir les effets de l’opération. Par contre, il est banal pour un éducateur, dans ses cours ou ses promenades, d’entendre ses clients déplorer que leur chien castré soit régulièrement sailli par les mâles entiers, ce qui provoque souvent des agressions déclenchées par le chien sailli. Ces chiens gonadectomisés développent des oestrogènes (hormones femelles) et quasiment plus de testostérone (hormones mâles). Ils attirent et excitent donc les mâles intacts.
Concernant les autres agressivités (sociale, autodéfense, territoriale, compétitive envers les humains ou les congénères), les mâles castrés développent ou aggravent leurs comportements agressifs de 1,3 à 1,2 fois selon l’âge de l’opération en comparaison aux mâles entiers. Pourquoi ? Cette grande irritabilité des mâles castrés serait due à l’effondrement de leur testostérone, une hormone androgène synthétisée par les testicules, qu’ils n’ont plus.
Pour les mâles et les femelles, la gonadectomie est donc loin de n’avoir que des effets satisfaisants. Sur le terrain de l’hypersexualité, pour laquelle les vétérinaires recourant souvent, on oublie peut-être la puissance du renforcement positif. Un chien (mâle ou femelle) hypersexuel qui présente des comportements de masturbation compulsive depuis des mois pourra être opéré et garder les mêmes habitudes. En effet, le renforcement a eu le temps d’opérer. Le chien sait ce que ce comportement lui procure. Et la gonadectomie n’efface pas la mémoire. Voilà pourquoi des comportements déplaisants peuvent persister. Le renforcement positif est plus fort que tout.
Pour synthétiser le fruit des dernières recherches, la plupart des études tendent à démontrer que l’activité, l’excitabilité, la réactivité des mâles et des femelles stérilisés augmente, surtout chez les femelles ovariectomisées avant leur 10 mois. Les chiffres exacts, le nombre de chiens, les dates, les noms des chercheurs et les pays d’étude se trouvent dans l’ouvrage du Dr. Dehasse. Un autre vétérinaire comportementaliste de renom, Thierry Bedossa, candidat à la présidence de la SPA en 2019, a déclaré en 2018 pour le magazine Le Point Sciences « À titre personnel, je ne suis pas favorable à la stérilisation de mes chiens car cette opération à des conséquences sur le développement et la personnalité de l’animal. Par ailleurs, les dernières découvertes scientifiques indiquent que cette opération affaiblirait le système immunitaire ». La transition avec l’argument médical est toute faite.
​
🎯 L’ARGUMENT MÉDICAL
​
La recherche moderne démontre clairement que l’ablation des gonades du chien ou de la chienne n’est pas anodine pour leur santé. C’est une opération de « routine » pour n’importe quel vétérinaire mais elle est lourde de conséquences pour le chien. Le (bon) conseil donné la plupart du temps par les vétérinaires qui se penchent sérieusement sur la question de la gonadectomie est de prendre le temps de bien peser dans la balance le bénéfice attendu de l’opération et tous les risques encourus par le chien. Aujourd’hui, même s’il faut les rechercher, les études sérieuses sont à la portée de tous. Elles sont publiées sur le web, citées dans des articles scientifiques, mentionnées dans des mémoires de recherches publiés sur le net… Il est vrai qu’elles sont rarement mises en avant.
Le retrait des testicules du mâle va lui éviter le cancer des testicules, c’est une lapalissade, tout comme l’ablation des ovaires évitera à la chienne les tumeurs ovariennes. Ce sont les deux principales raisons médicales qui sont avancées par les vétérinaires pour expliquer la stérilisation systématique et précoce du chien (généralement vers 8 mois). Mais quelles sont les conséquences d’une telle intervention sur leur métabolisme ? Un chien qui n’a plus ses gonades ne produit presque plus d’hormones sexuelles. Or, les hormones sexuelles vont synthétiser et activer la sécrétion de la thyroxine (hormone thyroïdienne T4). (documenté ou prouvé ?) Il y a donc une interaction directe et primordiale entre les hormones sexuelles et les hormones thyroïdiennes. Si les premières diminuent, les secondes également et c’est l’hypothyroïdie qui se déclare assez rapidement. On sait aujourd’hui que l’hypothyroïdie est responsable de 63% des troubles comportementaux du chien. Le Dr. Jean Dodds, avec son livre « The Canine Thyroid Epidemic : Answers You Need for Your Dog (2011, Dog Wise), s’est imposée comme l’experte en hypothyroïdie canine à l’échelle mondiale. Elle affirme, d'après une étude menée en 1994 sur 66 chiens sur une période de 5 ans que « la stérilisation est le facteur de risque d'hypothyroïdie le plus significatif chez le chien ».
Dans son livre, le Dr. Dehasse pose cette question assez étonnante, il faut le dire, tant la réponse qu’elle induit peut sembler évidente : « Y a t-il des bases scientifiques réelles qui permettent d’affirmer que l’ovariectomie élimine le risque de cancer mammaire? » Pour y répondre, il nomme toutes les recherches qui justifient aujourd’hui encore que l’on affirme cette vérité : l’ovariectomie protège la chienne du cancer mammaire. Toutes les recherches ? Non. En vérité, la seule étude systématiquement citée depuis des décennies en faveur de l’ovariectomie est celle de M. Schneider qui date de… 1969. Elle porte sur une seule chienne ovariectomisée avant son premier oestrus, sur trois chiennes ovariectomisées entre le premier et le second oestrus et sur 20 chiennes ayant eu plus de deux oestrus, soit un nombre très faible et inégal de femelles.
En 2012, M. Beauvais, dans son article « The effects of neutering on the risk of mammary tumours in dogs » paru dans « The Journal of small animal practices », publie les résultats de la synthèse de 11 149 articles scientifiques existants sur le sujet. Il en ressort que l’affirmation que la gonadectomie réduirait le risque de tumeur mammaire et que l’âge de la gonadectomie aurait un effet protecteur est hasardeuse et qu’elle ne permet en aucun cas de recommander la gonadectomie. En effet aucune des milliers d’études ne mentionne le temps d’exposition aux ovaires pour établir un éventuel lien avec le risque de tumeur mammaire. Aujourd’hui encore pourtant, il continue d’être affirmé que plus la chienne est ovariectomisée tôt, plus elle est protégée. Mais aucune étude scientifique ne le prouve.
Concernant l’impact que la gonadectomie peut avoir sur le chien, le Dr. Karen Becker (Holistic Care) déclare dans des vidéos publiées sur son site et sur YouTube que, plus l'animal est stérilisé précocement, plus les risques d'incidence sur sa santé sont lourds à tous les niveaux. Elle pointe du doigt une croissance anormale des os, la rupture des ligaments croisés, le cancer des os, les effets indésirables aux vaccins. Le Dr. David Randall se joint à elle pour alarmer les patients sur le lien étroit existant entre stérilisation et dysplasie de la hanche, surtout pour les races prédisposées.
En février 2013, des chercheurs de l’UC Davis ont réalisé une étude sur 759 Golden Retrievers suivis pour dysplasie de la hanche, déchirure du ligament croisé crânien, lymphosarcome, hémangiosarcome et tumeur des mastocytes Les chiens ont été regroupés en deux catégories : entiers et stérilisés avant 12 mois ou stérilisés après 12 mois. L’étude démontre que le taux de maladie est significativement plus élevés chez les mâles et les femelles stérilisés avant et après 12 mois d’âge. La stérilisation précoce a été associé à une incidence accrue de la dysplasie de la hanche, de la déchirure du ligament croisé crânien et de lymphosarcomes chez les mâles et de déchirures du ligament croisé crânien chez les femelles. La stérilisation à 12 mois a révélé un risque accru de tumeurs des mastocytes et angiosarcomes chez les femelles. Les résultats montrent un risque doublé de dysplasie de la hanche chez les mâles castrés avant 12 mois et un risque élevé d’hémangiosarcome chez les chiens castrés après 12 mois. L’étude précise bien qu’il n’existait aucun cas de rupture du ligament croisé crânien diagnostiqué chez les mâles et femelles entiers mais que chez les mâles et les femelles gonadectomisés précocement.
De manière synthétique, il est révélé dans des études publiques réalisées sur des milliers de chiens que les individus gonadectomisés, mâles ou femelles, ont un métabolisme plus bas, ont plus faim que les autres chiens et ont tendance à l’obésité (cause de nombreuses maladies lourdes dont les maladies ostéo-articulaires). Elle réduit bien le risque d’hyperplasie (bénigne) de la prostate mais elle augmente le risque de cancer (malin) de la prostate !
Laura J. Sanborn, M.S. écrit un article publié dans Dogs Naturally Magazine dans lequel elle liste les risques et bénéfices sur la santé de l’ablation des gonades. Elle affirme que la castration élimine le risque (probablement < 1%) de cancer des testicules, réduit le risque de troubles non-cancéreux de la prostate et diminue le risque de fistules périanales. Mais elle relève que si elle est réalisée avant l’âge d’un an, l’ovariectomie accroît gravement le risque d'ostéosarcome, multiplie par 1,6 le risque de tumeurs cardiaques, triple le risque d'hypothyroïdie, augmente le risque de sénilité précoce, triple le risque d'obésité, multiplie par 4 le risque de cancer de la prostate qui est < 0,6% chez les mâles entiers, double le risque de cancer des voies urinaires qui est < 1% chez les mâles entiers, augmente le risque de troubles orthopédiques.
Pour les femelles, dépendamment de l’âge et de la race, l’ovariectomie avant l’âge de 2,5 ans réduit le risque de pyomètre qui affecte environ 23% des chiennes intactes, sachant que seulement 1% d'entre elles y laissent la vie. Elle réduit le risque de fistules périanales et supprime le risque de tumeurs de l'utérus, du col utérin et des ovaires (qui est, précisons-le, < ou = à 0,5% chez les chiennes intactes). Par contre, l’ovariectomie avant l’âge d’1 an, augmente significativement le risque d'ostéosarcome, multiplie par 2,2 le risque d'angiosarcome de la rate et par plus de 5 le risque d'angiosarcome cardiaque. Elle triple le risque d'hypothyroïdie, elle multiplie par 1,6 à 2 le risque d'obésité ainsi que les nombreux problèmes de santé qui lui sont associés, elle provoque une incontinence urinaire dans 4 à 20% des cas, multiplie par 3 à 4 le risque d'infections des voies urinaires, augmente le risque de problèmes au niveau de la vulve, de dermite vaginale et de vaginite, en particulier chez les chiennes stérilisées avant la puberté. Elle double le risque de tumeurs des voies urinaires qui est < 1% chez les chiennes intactes, elle augmente le risque de troubles orthopédiques.
Les effets dévastateurs sur les voies urinaires dénoncés dans cet article sont corroborés par des études de 2004 de Victor Spain sur 1842 chiens et de Chika Okafor en 2013. Le risque de cystite (infection urinaire) est 2,7 fois plus élevé chez les chiennes ovariectomisées, tout comme le risque de calculs rénaux que l’on voit de 2,3 fois à 3,5 fois plus élevé chez les mâles castrés et 3,4 fois plus élevé chez les femelles ovariectomisées. Enfin, les études alertent sur le risque incroyablement accru d’incontinence qui est de 0 à 1% chez les sujets intactes et qui passe de 5 à 20% après l’opération.
En conclusion, sur le plan médical, les études modernes montrent que si l’on fait la balance entre les résultats recherchés dans la gonadectomie et les risques encourus par le chien après l’opération, on constate scientifiquement une diminution du risque des maladies bénignes (qui causent rarement la mort du chien) et une augmentation accrue du risque de maladie graves, voire fatales (ostéosarcome, hémangiosarcome, lymphome, tumeurs cutanées, carcinome de la vessie, etc).
🎯 L’ARGUMENT SOCIÉTAL
Rendre la stérilisation du chien obligatoire pour les particuliers diminuerait le nombre d’abandons. C’est l’argument avancé par certaines SPA, refuges ou personnes qui, de manière personnelle, se disent pour la stérilisation systématique des chiens. Moins d’individus, moins d’abandons, c’est ce raisonnement qui justifierait que l’on impose la stérilisation aux propriétaires de chiens.
Je suis bénévole régulière depuis des années dans une grande SPA et un service public de fourrière. Je connais la réalité à laquelle doivent faire face ces lieux de recueil des chiens abandonnés en grand nombre. Ces lieux sont gérés par des humains qui tous les jours prennent en plein figure l’irresponsabilité des autres. Mais ce que je constate aussi, c’est que ce n’est pas parce qu’une personne a acheté son chien dans un élevage professionnel qu’elle ne l’abandonnera pas et ce n’est pas parce qu’une autre personne a acheté ou adopté gratuitement son chien auprès d’un particulier qu’il l’abandonnera. Le problème est plus complexe. La vraie question est celle de la conscience morale, non pas celle du prix que l’on paye ou de la provenance du chien.
Dans les pays scandinaves où la stérilisation n’est pas pratiquée ou interdite, il n’existe aucun problème de surpopulation canine car les humains sont éduqués. La stérilisation imposée ne peut, à mon sens, résoudre le problème de l’abandon. C’est un leurre. Le nombre d’abandons n’est pas en lien avec le nombre de chiens. Si l’on recense, à titre d’exemple, 100 abandons pour 1000 individus, il est peu probable que ce chiffre soit réduit à 10 avec 100 individus, ou à 50 avec 500. Si les humains abandonnants restent les mêmes, le nombre d’abandons ne varie pas. La question est donc bien celle de l’éducation, de la responsabilité, de l’habitude dans notre pays de se débarrasser sans scrupule d’un être vivant encombrant. La stérilisation ne résoudra pas cette réalité comme elle ne résoudra pas non plus celle de la maltraitance.
Le 18 juin 2019, l’AFP publie notre (triste) record européen de l’abandon. Chaque année, sur 100 000 animaux abandonnés, 60 000 le sont durant l’été. En quoi la stérilisation va t-elle corriger cette habitude ?
Pour pouvoir commencer à affirmer que la stérilisation serait la solution aux problèmes d’abandons, il faudrait pouvoir apporter les chiffres exacts de la provenance de tous les chiens qui arrivent dans les refuges. Ces chiens ont-ils été produits par des éleveurs ? Ont-ils été vendus dans des animaleries ? Ont-ils été achetés dans des foires ? Des salons du chiot ? Sont-ils des chiots nés chez des particuliers ? Tant que l’on n’aura pas ces chiffres déterminants, il est injustifié de vouloir imposer la stérilisation aux particuliers et erroné d’affirmer de manière péremptoire que les abandons sont liés aux portées produites par eux.
Quand aux éleveurs en faveur de la stérilisation (ils ne le sont pas tous), il me semble risqué (pour eux-mêmes) de défendre l’idée que réduire les naissances limitera les abandons. Ils se tirent une balle dans le pied. En effet, nombre de refuges militent en faveur de l’adoption des chiens abandonnés plutôt que de l’achat de chiens d’élevage, soit disant pour limiter le nombre de naissances. Des campagnes auxquelles je n’adhère personnellement pas du tout en ce qu’elles n’ont aucun sens à mes yeux. Chacun est libre d’adopter en refuge ou d’acheter en élevage en fonction de ce qu’il recherche. Par ailleurs, certaines associations pointent les éleveurs du doigt : un éleveur sérieux produit très peu. On n’en finira donc jamais ? Il ne s’agit pas d’empêcher, d’imposer, de rendre responsable telle partie de la profession mais de comprendre ce que ce sont les campagnes de responsabilisation, l’éducation de l’humain à la psychologie canine, peut-être l’obligation de détenir un permis suite à une formation ou l’idée émise par certains d’une taxe reversée aux refuges, qui à terme feront changer les esprits en les élevant.
Pour finir sur cet argument sociétal, là où nous sommes tous d’accord, c’est que 100% des chiens qui sont abandonnés en refuge ou déposés sur la voie publique appartiennent à des humains irresponsables qu’il faut sensibiliser. Un client me disait un jour, « pour limiter la surpopulation dans les centres d’accueil pour enfants, va t-on aussi stériliser les humains? ». Le parallèle semble aberrant mais il permet de comprendre que le lien établi entre les abandons et le nombre d’individus est un raccourci rapide et facile. En stérilisant systématiquement, ce n’est pas le nombre d’abandons que l’on diminue mais le nombre d’individus. Et moins de chiens ne signifie certainement pas moins d’abandons si les humaines ne changent pas.
🎯 L’ARGUMENT ÉTHIQUE
​
C’est sans doute l’argument le moins entendu, le moins compris, le moins respecté et pourtant, c’est certainement le plus essentiel. L’éthique, c’est la conscience morale. La conscience morale pourraient définir les limites que l’on s’impose à soi-même, librement, car elles respectent nos croyances et nos principes, qu’elles qu’elles soient. L’éthique personnelle, c’est ce qui empêche la plupart des humains d’abandonner leur chien. C’est ce qui fait que cette « solution » ne leur traversera jamais l’esprit. C’est aussi ce qui les empêchera naturellement de le stériliser. C’est ce qui les amènera à accepter sa nature animale, femelle ou mâle, à l’éduquer, à prendre au sérieux ses problèmes comportementaux s’il en a et à le soigner jusqu’au bout, sans jamais envisager l’euthanasie de convenance, juste parce qu’il vieillit.
En Europe du nord, la stérilisation est saugrenue. Elle est d’ailleurs interdite en Suède et très rarement pratiquée dans les autres pays scandinaves. En Europe du Sud, on stérilisera presque systématiquement les femelles, sans trop de problème éthique. Par contre, les mâles gardent assez souvent leurs testicules. Dans la plupart des familles possédant plusieurs chiens en France, on stérilisera en priorité les femelles mais les mâles seront souvent laissés intacts.
Certaines personnes, de tous milieux, de tous horizons, professionnels ou pas, vous expliqueront (si vous prenez le temps de les écouter) que stériliser un animal c’est pour eux exercer sur lui un pouvoir déplacé et lui faire endosser l’irresponsabilité de toute la société humaine. Or, le chien n’a rien demandé. Il n’est pas responsable des abandons et au lieu de se responsabiliser, la société des hommes a trouvé une solution facile : stériliser les chiens.
Le chien est un être sentient, sensible, émotif, conscient de son corps et qui a des aspirations profondes. L’amputer de ses testicules, lui retirer ses ovaires, c’est oublier son corps, ses organes qui lui appartiennent. Alors les personnes qui refusent de stériliser leur chien ont souvent cet argument éthique qu’elles osent rarement exprimer. Pourtant, c’est cette éthique qui changera la vision de l’homme sur le chien, qui changera la société, qui diminuera les abandons. La Fondation 30 Millions d’Amis l’a bien compris au regard de ses magnifiques campagnes où elle ne s’adresse à rien d’autre qu’à l’éthique personnelle. « Quand un chien abandonne son maître, ce n’est pas pour partir en vacances ». « Je n’ai pas besoin de 30 millions d’amis, mais d’un seul. » « Attention, être sensible », etc. Par ses slogans, la fondation fait appel à l’éthique. Elle n’use pas de la menace et ne dit surtout pas aux humains ce qu’ils doivent faire avec leur chien. Ces campagnes sont pacifiques. Et si nous voulons qu’un jour tous les humains fassent preuve de bienveillance envers le chien, commençons à faire preuve de bienveillance envers leurs humains.
​
Sur le sujet…
>>> Castration et comportement chez le chien
http://www.animalpsy.com/…/83-castration-et-comportement-ch…
>>> Faut-il stériliser son chien ?
https://www.lepoint.fr/…/les-bons-conseils-de-thierry-bedos…
>>> Long-Term Health Risks and Benefits Associated with Spay/Neuter in Dogs
https://www.dogsnaturallymagazine.com/long-term-health-ris…/
>>> Neutering and Hip Dysplasia
https://www.youtube.com/watch?v=lZFzPmnWf4E
>>> « La stérilisation du chien : Pour ou contre… », format Kindle, janvier 2017 - Joël Dehasse
>>> Dr. Becker: The Truth About Spaying and Neutering
https://www.youtube.com/watch?v=enPCZA1WFKY
Audrey VENTURA
Comportementaliste
Éducatrice canin
Valenciennes
@cynoconsult